ISSN : 2266-6060

Échos

Toulouse, septembre 2019.

Une plaque de rue affichant un nom propre, qui doit son existence à une cascade d’inscriptions : de la formulation écrite de la demande ayant dirigé vers le choix de ce nom, en passant par le chemin plus ou moins sinueux du dossier d’instruction auprès des services de la municipalité, puis les éléments de commande et de fabrication stipulant les propriétés des matériaux, des encres et des couleurs, jusqu’à l’accrochage de la plaque elle-même accompagnée de ses plans de voirie et du bâtiment. Un jeu d’inscriptions associées entre elles qui peut s’avérer vertigineux, mais rien de bien extraordinaire non plus. En revanche, quand la plaque n’indique qu’un prénom, l’intrigue devient un peu plus spécifique. Difficile de penser que la référence pointe vers l’ensemble des personnes prénommées Matilda. De qui s’agit-il alors ?
C’est ici que le jeu d’inscriptions se prolonge, articulant de nouveaux corpus de documents qui font résonner la plaque de toutes autres manières. Cette Matilda là a notamment écrit en 1870 un petit volume consacré à l’histoire des techniques soulignant la contribution significative des femmes aux inventions humaines. Figure importante des courants féministes, cette Matilda s’est également vue hissée au rang d’effigie éponyme des laissées-pour-compte de l’histoire des sciences, venant concurrencer “l’effet Mathieu” mis en évidence par R.K. Merton. Rebaptisé en “effet Matilda”, ce geste de Margaret W. Rossiter visait à remettre à leur juste place les femmes engagées dans la recherche.
Désormais affiché publiquement dans la rue, le prénom de Matilda Joslyn Gage (1826-1898) acquiert une résonance encore plus importante. Activiste engagée pour le droit des femmes, sa première prise de parole à un meeting public date de 1852. Et vingt-cinq ans plus tard, en tant que présidente des suffragettes de New York et au plan national, elle témoignait devant le Congrès des Etats-Unis. L’écho de cette plaque de rue n’est donc pas limité à la recherche scientifique, et à ses écrits archivés. Pétri de cette épaisseur politique, son écho continue de résonner en direction du futur, clamant la juste place des femmes dans l’espace public, et stimulant même indirectement toute forme d’écrits revendiquant aussi bien leur pertinence politique que leur capacité à intervenir sur la place publique.



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