À cœur ouvert
L’invitée du vendredi : Emma Reel
Paris, mai 2010.
Elles s’appellent Sophie, Judy-Rose, Leang, Alexandra… ou parfois, une seule lettre, un D, un M, un E. A moins que ce ne soit eux, devenus X, Y, Z, qui parfois laissent leurs prénoms: Kevin, Mathieu, Carlos. Et aussi des idéogrammes, illisibles pour la passante. Entre les signatures, le symbole universel de l’addition fusionnelle: Alban + Sarah, Mike + Rosa, ritournelle… Curieusement, pas de couple gay visible. Certains cadenas portent le dessin d’un cœur ou une trace de lipstick, et les promesses d’un Forever les Fées. D’autres frappent par leur marque: Helping Hand, Master. Peut-être racontent-ils des histoires qui se passent de l’identification de leurs acteurs. Un seul, vierge de tout indice, a été laissé ouvert, subrepticement.
Sur le Pont des Arts, les cadenas scintillent, accrochés aux grilles, envol de signes entre Louvre et Institut. Nouvelle coutume, qui aurait pris naissance ailleurs: d’autres cadenas, même prénoms des quatre points cardinaux, ont été aperçus à Florence.
Accrochés par des couples célébrant leur visite du Paris Lumière, ils content l’amour toujours sous toutes ses formes. Ils sont innombrables. Puis un matin, la Voirie est passée. Ils ont disparu.