Abandonnés
L’invité du vendredi : Nathalie Crowley
Dublin, mai 2010.
C’est un joli après-midi de juin à Dublin et j’aime bien passer par Drumcondra, un quartier résidentiel et tranquille où se trouve le ‘Bishop Palace’ nommé ainsi avec une certaine révérence teintée d’ironie par les locaux. Aujourd’hui je suis avec mon fils et quand nous arrivons sur l’avenue principale, un drôle de spectacle nous attend : des centaines de chaussures d’enfants accrochées aux alentours du portail de l’évêque. Bizarrement, on dirait une installation d’art contemporain. Notre première réaction est de sourire à la vue de toutes ces paires de petites chaussures qui pendouillent, gentiment balancées par le vent. Mon fils suggère de venir nous aussi accrocher les chaussons de sa petite soeur pour participer à cette amusante installation. Mais, non.
En s’approchant, la signification de ses petits chaussons abandonnés au portail de l’évêque devient évidente. C’est en souvenir des centaines d’enfants d’Irlande et d’ailleurs qui ont eux aussi étés abandonnés, maltraités et salis non pas par le vent ou la pluie mais par ceux qui devaient s’occuper d’eux. Au portail du palais de l’évêque, un homme campe depuis vingt jours pour demander justice au nom des centaines d’enfants victimes des mauvais traitements infligés par les représentants d’une église catholique inhumainement sourde et muette. Il fait la grève de la faim devant le portail de l’évêque depuis vingt jours pour tous ceux et celles qui ne sont plus là pour protester devant ce portail. Les chaussures sont placées là comme à Noël, dans l’attente peut-être d’un cadeau venu du ciel.