Abri
Saint-Viance, avril 2010.
Pourquoi cette inscription sonne-t-elle bizarrement? En partie parce que nous appelons tous cela un abri bus, bien entendu. Mais sans doute aussi parce qu’il est plutôt rare de trouver une telle précision dans l’espace public. Habituellement la catégorie « élèves » est apparaît dans des lieux ou des moments plus spécialisés. Au sein des écoles évidemment, où elle permet de distinguer des personnes, leurs droits et leurs devoirs. On en entend aussi parler en septembre, une semaine ou deux durant lesquelles nous devenons conscients de leur existence, de leurs anxiétés, de leur nombre par classe, ce genre de choses. Mais quand arrive octobre, nous les oublions et ne nous préoccupons, pour certains d’entre nous, que de nos propres enfants.
C’est finalement la force de cet abri si curieusement qualifié. Plutôt que de dessiner des distinctions nettes, plutôt que d’inscrire les frontières d’un espace dédié, il rend présente, en plein milieu du mois d’avril, alors que je passe devant, l’existence des élèves. Leur vie faite d’amitiés, d’interros, de trahisons, d’histoires d’amour, de parents. Une vie faite de trajets en bus. Une vie hantée par mon propre passé et celui de celle qui prenait le bus ici tous les jours trente ans plus tôt.