Armes
– Montréal. Mars 2009 –
On sait que les mouvements sociaux offrent des occasions d’écriture multiples, essentielles à leur existence même. Intervenir dans l’espace public, surtout s’il s’agit de contester, se fait généralement avec les pieds, la voix et les bras qui portent des mots sur des supports et dans des formes variés.
Récemment, les enseignants de l’Université de Québec à Montréal ont mené une action d’envergure en assurant un piquetage régulier devant toutes les entrées des nombreux bâtiments universitaires que l’on trouve aux alentours de la sortie de métro Berri-UQAM. Ce blocage leur a permis, pour un moment seulement, de donner une certaine ampleur à leurs revendications (il a fallu l’intervention du juge pour qu’il cesse et que d’autres formes de manifestation soient envisagées).
Sa mise en œuvre tenait à une organisation méticuleuse de la part du syndicat, qui en ferait rêver plus d’un. Les places et les créneaux horaires de chacun étaient distribués par courrier électronique chaque jour, ainsi que les mots d’ordre et les dernières instructions. Les écrits qu’il s’agissait d’exposer étaient dignes de cette organisation : on les trouvaient sur de petits panneaux solides, nombreux et normalisés. Et leur agentivité — pour reprendre un terme de F. Cooren, checheur d’une autre université de Montréal — était double. Certes ils étaient supports d’énonciation, on s’en doute. Mais ils faisaient aussi occupation. Devant cette porte, ce stock de munitions poursuit le siège entre deux piquets de grévistes. Qui n’auront qu’à les ramasser chacun leur tour en arrivant, pour les déposer en partant, à disposition des prochains.