Bonne figure
Paris, janvier 2024.
On aurait aimé arriver quelques minutes plus tôt. Apprécier dans leurs formes initiales les inscriptions qui ne sont plus que traces de couleur étalées au-dessous des fenêtres. Mais il y a urgence. L’établissement scolaire a déjà ouvert ses portes. Les enfants arrivent, les plus petits accompagnés de leurs parents. Il faut effacer. À la vue de leurs gestes mal assurés et du matériel inadapté, on imagine que les agents à l’œuvre n’ont pas l’habitude. Ils semblent avoir du mal à rétablir la sérénité de façade qui règne habituellement dans cette rue du VIème arrondissement de Paris. Mais l’essentiel a été fait. Si dans les journaux, à la télévision, à la radio, les pires horreurs continuent d’être proférées sur ce qui se passe à l’intérieur, celles et ceux qui se sont permis de s’exprimer à même la pierre ont été réduit.e.s au silence. Illisibles.
Cela dit, en redescendant la rue le lendemain, on s’interrogera à nouveau. À vouloir effacer les mots dans la précipitation, l’opération improvisée n’a-t-elle pas raté quelque chose ? Ces grandes taches rouges qui persistent ne disent-elles pas encore mieux que toutes les interjections épigraphiques la situation de Stanislas, institution discrète mais centrale de la fabrique des puissants, aujourd’hui défigurée ? On peut l’espérer. Mais ne rêvons pas. Même si aucune intervention de nettoyage en profondeur n’est organisée, la pluie, le vent, les gaz d’échappement auront tôt fait d’atténuer les rougeurs à la surface de ce monde dans le monde.