Brosse

Toulouse, janvier 2023.

Ils tapotent, elles tapotent la brosse sous la fenêtre. Ce petit geste, qui ponctue les mouvements effectués devant le tableau, se répète au fil des semaines. Il évacue les particules d’un instrument d’écriture encore tenace dans les salles de classe, notamment en mathématiques et en physique : la craie ! Accumulée sur la brosse, elle produit de larges trainées blanches au lieu d’effacer le tableau. Alors ils tapotent, elles tapotent la brosse sous la fenêtre. Par ce petit geste, ce sont les quelques mots et toutes les précieuses inscriptions, au fondement des êtres abstraits des mathématiques, qui s’envolent en fumée blanche… Fonctions, équations, théorèmes, nombres, figures se propagent en fines particules le long du bâtiment, qui viennent ainsi polliniser l’ensemble des entités qu’elles rencontrent sur leur passage, rendant beaucoup plus tangibles les valeurs transportées par ces moyens du raisonnement déductif. Cette dispersion n’est que momentanée, toujours rattrapée par les prochaines itérations de leur écriture sur le tableau de la classe… Et le chargement inéluctable de la brosse qui vient les effacer ! Alors ils la tapotent, elles la tapotent sous la fenêtre. Le petit geste de délestage provoque bien plus que l’effet recherché : des marques involontaires accompagnent l’évacuation de la craie. L’effacement ici laisse des traces là. Différentes selon le mouvement, la prise en main, l’allure, et la dose de craie incrustée, les empreintes dessinent, croquent, expriment autrement, sans jamais perdre leur degré d’abstraction, ce que les inscriptions mathématiques et physiques pointaient sur le tableau. Fonctions, équations et théorèmes se chargent de produire d’autres formes géométriques, qui appellent le développement de nouvelles formules tout en affichant une esthétique involontaire n’ayant rien à envier aux créations graphiques engendrées par d’autres brosses sur la toile d’un futur tableau. Quand science et art s’entremêlent sur le bord d’une fenêtre…