Cimetière, épisode 4. Communauté
Normandie, mars 2012.
Autour de l’église du XIIIe siècle, il y a les tombes des villageois, des stèles et des caveaux qui témoignent si besoin était que contrairement à l’adage on n’est pas égaux devant la mort ; quand on est riche on le reste et la dernière demeure conserve un certain standing. À distance, dans une partie du cimetière, il y a d’autres tombes. De loin cela ressemble à un cimetière militaire comme il y en a tant dans la région ; le nombre, l’usage d’une croix identique, le nom inscrit dessus ; tout porte à croire qu’il s’agit d’un groupe mais il manque les drapeaux et puis les tombes ne sont pas fleuries, rien : pas une fleur pas une petite plaque de marbre avec un mot attentionné. En groupe mais seul, tristement seul. Qui sont-ils ces morts ?
Il y a deux ensembles en réalité ; l’un au premier plan sur l’image ; les tombes sont sobres mais on y retrouve tous les écrits habituels de nos monuments funéraires (le nom et les dates de naissance et de mort). C’est une communauté de religieuses, chacune des tombes de gravillons est celle d’une sœur. La sépulture est ici à l’image de la vie de la morte : austère et modeste, servir l’autre. La dernière rangée est encore fraiche ; les cinq tombes ne sont pas finies, semble-t-il. Et puis, plus loin, après une large bande de pelouse, commence un autre cimetière. Celui-là est plus pauvre encore. Rien n’indique qui sont ces morts ; sur beaucoup des petites croix plantées dans le gazon directement, il n’y a qu’un nom, parfois même pas de prénoms. Sobriété absolue. Ceux-là forment aussi une communauté mais ils ne l’ont pas choisi ; ils étaient à l’hôpital psychiatrique de la commune. Rien ne l’indique si ce n’est qu’ils sont ensemble. De même que leur autre sépulture est dans les archives de l’institution. Au cimetière, le corps, aux archives, la vie écrite.