Complément
Paris, octobre 2014.
Pas loin de 300 disques, c’était un sacré cadeau. Pas assez de place, beaucoup de doubles, l’occasion pour ces amis de transmettre à nos enfants bien plus qu’un patrimoine : un peu de matière pour nourrir leur amour déjà grand pour une musique à part, hors des sentiers battus. Ils ont beau être les produits standardisés d’un capitalisme culturel bien institué, les CD ont, comme les champignons qu’Anna Tsing suit à la trace dans son dernier livre, la capacité à prendre une valeur relationnelle. Celles et ceux qui nous les offrent y restent attachés. Chaque disque renforce le lien en même temps qu’il est lui-même « épaissi » par la relation qu’il alimente.
Parmi les albums, que nous découvrions avec ravissement carton après carton, certains avaient plus de valeur encore. Accompagnés d’un post-it au dos de leur pochette, ils portaient la trace d’une vie passée : celle de notre ami, autrefois animateur radio et journaliste pour des fanzines et des journaux devenus mythiques. Sur chacun des morceaux de papier, quelques mots et phrases succinctes, associés à une sélection de titres. Pas tant des guides pour notre écoute que des traces de la sienne, et les prémices sans doute des écrits qui, une fois développés, avaient équipé une autre forme de relation : celle qu’il entretenait avec ses lecteurs et ses auditeurs.