Conter/Compter
Longer la voie du tramway puis tourner dans la ruelle si caractéristique du vieux Marseille intouchée par les urbanistes des deux derniers siècles. Le bois et le verre règnent dès l’extérieur ; une fois entrés, les balances en inox à grand cadran capturent immédiatement le regard avant que les parfums des herbes ne saturent les sens. Ce riche tableau est complété par les portraits familiaux entourant les séries de bocaux de verre. Au-dessus du comptoir, un grand écriteau subsume le récit matériel environnant : l’herboristerie familiale existe depuis 1815.
Dans ce décor patiné, où clients et employés parlent à voix basse, un compteur joue le rôle de l’intrus : fait de plastique et mû par circuit électronique, il arbore le signe d’un bleu profond qui a moins de 15 ans, mais est déjà universellement reconnu. Il ouvre la page d’une histoire très différente : celle d’un magasin avec non seulement des pages sur cette célèbre plateforme, mais une boutique en ligne, des conseils personnalisés par téléphone et une livraison à vélo ou par service postal suivant le lieu.
Dans ces espaces numériques, les compteurs sont partout : le nombre de produits à base de plantes disponibles, le nombre de préparations médicinales et de conseils délivrés par an et même… le nombre d’années d’expérience. Au milieu de cette écologie numéraire, une photo en noir et blanc joue le même rôle de passeur que le compteur, en rappelant l’existence d’une autre écologie des produits et des écrits, au cœur de la ville.