Ils sont fous ces crétois
Crète, septembre 2011.
L’un des aspects les plus visibles de la mondialisation n’est pas le « made in China » au dos de nombreux produits manufacturés, mais l’extension géographique de ce qui était autrefois attaché à un territoire, et sa reproduction infinie dans des lieux toujours différents. Les enseignes, lumineuses ou non, le graphisme des grandes entreprises pratiquant la franchise sont autant de motifs reconnaissables entre mille. Non seulement les polices sont toujours identiques, mais les emplacements et produits sont censément substituables, qu’on soit à Paris, Singapour ou Héraklion. À l’opposé des topos qui rassurent par leur familiarité, le voyageur épris de typicité recherche le petit établissement authentique, celui qui ne peut pas exister ailleurs qu’à l’endroit où il se trouve, qu’il propose de la nourriture, de l’hébergement ou divers services.
Aussi, à l’affût de pains et de pâtisseries dans ce petit village crétois, la découverte de cette enseigne surprend-elle. Comme l’indique en grec αρτοποιείο et en anglais bakery, il s’agit d’une véritable boulangerie. Mais si elle est traditionnelle, ouverte depuis plus de 60 ans, que vient faire un personnage de bande dessinée franco-belge, inventé douze ans plus tard, dans cette affaire ? Goscinny ou Uderzo, ses créateurs, ont-ils particulièrement aimé le pain local, ou le boulanger a-t-il été bercé par la lecture d’ Astérix aux Jeux Olympiques ?
Si le merchandising est l’une des formes avancées du contrôle de la circulation des signes, symboles, icônes et autres figures d’une culture populaire, il s’oppose à d’autres formes d’appropriation. Obélix n’a pas simplement été translittéré en Οβελιξάκης ; il a abandonné le maquis crétois qui regorge de lièvres à rôtir pour s’enticher de miches de pain… et attirer la sympathie du chaland.