ISSN : 2266-6060

Des anciens et des modernes

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Notre invité : Clément Marquet.

Geysir, 18 Mai 2017

Sources, puits et fontaines voient quotidiennement se répéter, au fil des siècles, les gestes d’offrande instaurés par les anciens. L’on ne sait plus si c’est pour acheter son passage vers l’au-delà, solliciter l’attention d’Odin, ou amadouer les nymphes et divinités de chaque source d’eau, mais la tradition, jeter une ou plusieurs pièces pour un voeux, se perpétue.
La multiplication de la mitraille dans les sources sulfureuses aux alentours de Geysir, le geyser le plus populaire d’Islande, a visiblement déplu aux autorités islandaises. Si les discussions sur les modalités de gestion de cette possible source de revenu (voir la récupération de l’argent de la fontaine de Trevi par la ville de Rome) nous sont inconnues, le touriste constate qu’elles ont abouti à ce panneau, qui vient arracher la nature aux projections spirituelles ou superstitieuses des humains. Dilapider son surplus de monnaie est dissocié de tout espoir de félicité ou d’abondance, le geste est dorénavant sanctionné comme une production de déchet et de pollution.
Mais les concepteurs ont aussi jugé utile de prendre en compte l’irrépressible besoin des humains à donner gratuitement quelques ici et là. Ils l’ont réassocié à une forme d’entraide intraespèce, plutôt qu’à une spiritualité aux formes polythéiste ou panthéiste. L’argent servirait davantage aux êtres humains qu’aux sources chaudes. Le monde désenchanté de la science moderne viendrait-il chasser les vieilles croyances jusque dans leurs manifestations les plus triviales ?
Conclure de la sorte serait certainement aller trop vite en besogne. Il n’est pas écrit « il est inutile de jeter de l’argent dans les sources chaudes », mais « La Nature s’en fiche ». Druides, prêtres et pythies d’un nouvel ordre ont écouté et interprété les attentes de la Nature, et leur résultat est catégorique : « La Nature se fiche de votre argent ». La nature reste un sujet, et par voie de conséquence, désir, volonté, divinité(s) en puissance. C’est son rapport à l’homme qui est changé, elle est maintenant sourde à certaines offrandes, en l’occurence pièces de monnaie. Reste à la charge du touriste de trouver de nouvelles manières de la vénérer ou de solliciter sa clémence.



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