Illisible
Lyon, juin 2009.
Les manuscrits d’écrivains ont la cote : sur petits carnets, feuilles volantes, au dos d’un papier d’emballage, ils font l’objet de catalogues et il n’est pas une semaine sans qu’on nous annonce que X a déposé ses archives ici, ou qu’Y a vendu à W ses manuscrits… Amoureux des écritures, ces trésors nous échappent ! Heureusement, les expositions se multiplient pour donner à voir que nos grandes institutions culturelles ne sont pas en reste : « Ne craignez rien, du papier on en a pour vous et du très bon ! »
Alors on se précipite, on trébuche, on transpire, on prend le train, on veut voir, on veut lire ces traces de génie. Quand on arrive, on se dit que ce n’est pas possible, que ceux-là sont des faux, que c’est trop beau pour être vrai. Ça doit être interdit mais on sort néanmoins son appareil photo… faut bien faire partager les copains, c’est la fête de l’écrit ! On mitraille, on prend tout ; nous aussi on les aura. Pas besoin d’être riche.
Mais au retour chez soi catastrophe : on découvre avec horreur que les clichés sont flous ; on a beau faire, essayer d’améliorer la qualité des images, c’est illisible. C’est à croire que l’écriture de génie ne se reproduit pas aussi facilement que ça ou alors que le secret des manuscrits résiste au numérique. Comme ils avaient raison les archéologues de la Rome antique qui relevaient les écrits au moyen d’appareil à plaques de verre.