La tristesse des boîtes aux lettres
Clamart, décembre 2009.
Il est de bon ton de sourire face aux tournures alambiquées, ou au contraire très directes, qui font le sel des papiers publicitaires pour marabouts. C’est un des petits bonheurs que peuvent réserver les boîtes aux lettres, souvent chargées d’autres écrits publicitaires dont les standards et les jeux de langage séduisent beaucoup moins (peut-être font-ils rire les marabouts ?). Ce soir-là, donc, repérant la forme d’un petit carton, on l’a mis au dessus de la pile avec un discret pincement d’excitation, pour commencer à en lire les bons mots dès les premières marches de l’escalier. Mais quelque chose ne collait pas. Écrit à la main sur du papier quadrillé, le texte n’évoquait aucun être cher disparu au retour assuré et ne proposait pas non plus d’améliorer dans un même mouvement tout ce qui se trouve dans le conglomérat argent amour santé réussite professionnelle examens. C’est de plus en plus ému que l’on a déchiffré ce petit papier personnel, aux fautes nombreuses, qui indiquait le contact et les spécialités d’une entreprise de rénovation dont le siège social semblait lui-même hébergé chez un ami. On imaginait immédiatement les immenses difficultés pour trouver des missions dans un marché si concurrentiel où le professionnalisme se mesure souvent à l’avance, au regard des formes que l’on sait maîtriser. On imaginait aussi le porte à porte qu’il avait fallu faire pour distribuer ce prospectus artisanal.
Le morceau de carton était à la fois un appel à sortir du modèle des plaquettes complexes aux slogans accrocheurs et un constat d’échec assourdissant : touché, on ne l’était soi-même que par l’objet d’écriture et ce qu’il projetait du monde. On s’imaginait difficilement appeler un jour l’un des deux numéros de téléphone rédigés en dernière ligne.