Pouvoirs d’écrit
Larenjeiras, Rio-de-Janeiro, octobre 2009.
Si nos supermarchés sont devenus d’infinis espaces d’écriture : de l’étiquette à l’affichette promotionnelle — le Pop art en avait déjà fait ses choux gras —, les marchés extérieurs sont des lieux de l’oralité : ça parle ; ça hurle ; ça chante. Pour acheter nul besoin de savoir lire comme dans la grande surface du coin de la rue, il suffit de demander. Sur nos marchés européens, les commerçants ont eu de plus en plus tendance à inscrire sur des ardoises les prix au kilo. Et puis bien sûr, les normes et réglementations les ont obligé parfois aussi à indiquer la provenance. Mais l’écrit est toujours second. Ce qui compte ce sera le prix que le marchand vous lancera une fois le panier tomber sur la balance.
Sur ce marché d’un quartier de Rio, la règle est confirmée : l’universitaire français en goguette ne pourra connaître le nom de ce gros fruit appétissant, ou de ces poissons à l’œil inquiétant ; il demandera à sa collègue bienveillante mais oubliera aussi vite leurs noms… Elle ne l’écrira pas, il ne comprendra pas. Sa surprise sera grande quand sur l’étal d’un vendeur traditionnel de piments et racines, au milieu des petits sacs de plastiques contenant des produits inconnus, il apercevra un petit écriteau dans l’un d’eux avec ces mots : DANDA COSTA. Cette fois, il comprendra sa collègue lorsqu’elle lui expliquera patiemment qu’il s’agit d’herbes au pouvoir de chasser les mauvais sorts. Il se dira que décidément on n’écrit jamais par hasard… Il craindra que l’écriteau produise sur lui des effets… On ne sait jamais avec ces sociétés sans écriture.