Entresol
Issy-les-Moulineaux, février 2015.
Nous l’avons vu au fil des années, les marquages au sol sont des instruments d’écriture urbaine variés. Certains identifient des zones aux droits spécifiques en même temps qu’ils font exister les entités qu’ils concernent et les règles qu’ils incarnent. D’autres transforment le goudron en espace de jeu. Dans ces deux cas de figure, c’est le sol lui-même que les marquages font exister. En sémiotisant sa surface, ils le transforment, ajoutant des actions supplémentaires aux seules qualités de soutien solide des unités véhiculaires de la ville, et de distinction physique sommaire entre trottoirs et rues.
Certains marquages relèvent plutôt de l’espèce des écrits professionnels, en particulier ceux qui préparent une opération à venir. Dans ce cas, ils forment généralement la trace d’un monde hors de vue, absent à notre perception parce que souterrain, mais essentiel à prendre en compte dans les opérations d’entretien ou de modification de la matière de la ville.
Les scriptopoliens croyaient en avoir fini avec l’exploration des formes de mise en intelligibilité graphique de la route, jusqu’à ce que l’un d’eux tombe sur ces croix oranges, qui semblent appartenir à une catégorie intermédiaire. Elles ne donnent pas à voir les indices d’une présence infrastructurelle cachée, mais ne dotent pas non plus le sol de propriétés nouvelles, qu’elles soient juridiques ou ludiques. C’est en fait l’absence qu’elles indiquent, ou la présence d’un manque à même le macadam sans doute jugé trop peu flagrant. Ces traces de vide peut prêter à sourire au piéton qui les découvre, mais les usagers de deux-roues, qu’ils soient motorisées ou non, savent qu’elles peuvent leur épargner une casse probable, voire un accident dramatique.