Fantôme
Capbreton, août 2011.
Il y a quelques années, tu as enfin compris que vieillir signifie vivre avec de plus en plus de morts. Une bande de fantômes qui ne cesse de grandir. Mais tu a aussi compris que cette vérité inévitable n’était pas uniquement une affaire de perte et de disparition. Les morts, amis ou parents, se pointent de temps à autre. Certains plus souvent que d’autres. Certains de manière plus spectaculaire que d’autres.
Cela arrive évidemment dans les maisons — même lorsqu’elles ne sont pas hantées — où les apparitions sont innombrables. Dans les photographies, bien entendu, mais aussi dans un vieux chapeau qui reste suspendu au porte-manteau, dans un fauteuil, dans la cuisine où toi, puis ta fille, l’ont regardé avec amour prendre ses célèbres petits déjeuners tellement ritualisés. Avec le temps, les visites se font plus rares. Sa présence se confond peu à peu avec celle de la maison tout entière. Puis un jour, alors que tu déplaces quelques cartons, tu tombes sur les initiales de son prénom écrites à la main. Tu souris en regardant ces deux lettres qu’il a probablement tracées sans même y penser, heureux d’avoir eu l’opportunité de le croiser encore une fois.