Fin de saison
Pointe des corbeaux, Ile d’Yeu, août 2009.
L’écriture a ses saisons. Il y a celle d’hiver, avec sur les épaules ces gros gilets de laine et les mains qui vont du clavier à la tasse brûlante ; on reste au chaud de l’ordinateur, on se sent à l’abri comme protégé par les piles de livres et surtout par cette lueur que l’écran produit ; la fin d’été est, quant à elle, le temps des abandons ; c’est le moment où s’achèvent les amours estivales, où l’on range ses robes bain de soleil et ses espadrilles, où l’on remise le dériveur, où l’on plie les voiles. Lorsque les jours commencent à se faire plus courts, on sent qu’il sera bientôt temps de faire disparaître au fond du jardin, dans la petite maison, le bureau de campagne qui nous a tenu lieu de lieu d’écriture pendant ces douces semaines. Fin de la saison des libres écritures, retour au labeur. On fera le tri dans les petits écrits qui jonchent le lieu… on rira de ces étranges pelures semblables à ces peaux sèches qui apparaissent sur nos bras brûlés par le soleil ; on s’étonnera d’avoir pu écrire ces mot-là ; on les mettra à la poubelle : inutile de les rapporter à Paris. On fera surtout le trajet vers la déchèterie car celui qui a ronronné à nos côtés tout l’été a rendu l’âme : notre petit Mac classique est mort. On l’avait acheté en septembre 1991 ou 12 : c’était notre premier Mac ; je me revois encore le porter dans les rues du quartier latin, arrivés dans notre studio, l’installer, faire place à ce petit cube gris, et découvrir émerveillés qu’on pourrait y saisir notre DEA sans risque. Plus de quinze ans plus tard, au moment de fermer la maison, on se débarrasse des cadavres : le mac est dans la charrette, ce qui était si précieux sera déchet ; il redeviendra un objet anonyme dans ce grand panier d’acier ; il garde pourtant en lui la trace de tant de nos moments d’écriture passé, de notre autobio-graphie … Qui sait ? Un plus tordu encore le prendra-t-il pour lui donner une seconde vie ?