Dans de beaux draps
Vosges. Été 2009.
Les grandes familles sont des gisements infinis d’écrits (comme on se parle rarement — parce qu’on ne se voit pas souvent ou parce qu’on est brouillé — on s’écrit ; c’est pratique et ça évite croit-on les malentendus…) Il y a le livre d’or du lieu où quand on oublie pas on dépose une petite phrase qui fera plaisir quand on la relira quelques années après ; il y a les indications pour ouvrir la maison consciencieusement inscrites sur une feuille plastifiée « que l’on doit remettre à sa place, dans le tiroir de la cuisine où il y a le jeu de clés, pour les suivants sinon ils risquent d’être bien embêtés » ; il y a aussi le journal de l’arrière grand-père rangé dans la bibliothèque.
Mais les écrits de rangement sont sans doute les plus remarquables ; la liste de la vaisselle dans le buffet de la salle à manger et surtout les écrits de l’armoire aux draps. Sur le dos de la porte, une tante aura inscrit un compte exact des draps disponibles (taies d’oreillers comprises) et pour chaque pile, avec le papier brouillon apporté là pour que « ça serve », une cousine aura confectionné un petit panneau indiquant « c’est quoi ça ? un drap deux place, un drap de bébé, … ». Cet écrit n’a pas seulement pour fonction de permettre une identification ; il a une double fonction de mémoire : voilà les draps dont nous disposons (on rigole mais les draps c’est rudement sensible dans les familles … faites un jour des taches et vous verrez…) mais aussi nous avons repassé et rangé ces draps pour vous alors prenez en soin et ne mettez pas la pagaille please… Évidemment face à un tel ordre, on a une seule envie : déplacer les étiquettes !