ISSN : 2266-6060

Décoloniser les musées


Paris, mars 2019.

Le musée d’Orsay a (enfin !) décidé de s’atteler à la question du racisme en réattribuant un prénom et un nom à tous les personnages des œuvres de sa collection. Archives d’agenda, photos et journaux à l’appui, il rend compte des liens qui unissaient les modèles et les artistes : des heures à poser ensemble à l’atelier, une rémunération, des soirées avec des amis communs. Puis, quand il fallait accéder au Salon, l’inscription « Rendez-vous avec Madeleine » devenait « Portait d’une négresse » niant toute personnalité au sujet. Ainsi, « Le modèle noir, de Géricault à Matisse » vise (entre autres) à souligner le caractère structural du racisme dans la société française du XIXe siècle et du début du XXe siècle. La démonstration est claire : une fois sorties de l’intimité des appartements, pour permettre aux artistes d’accéder à l’espace public, les modèles noires perdaient leur identité au profit d’une dénomination raciale. On imagine les trésors d’archivistiques qu’il a fallu déployer pour retrouver les prénoms et, lorsque cela était impossible, inscrire (non sans regret) « portrait d’une femme noire » sur les cartels, les catalogues et les registres. Oui, enfin, les musées français mettent en avant les dimensions politiques de la fonction de conservation et prennent leur part dans la décolonisation des savoirs.



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