Défendre
Paris, décembre 2019.
Si nombre d’écrits circulent d’un lieu à un autre, ils se donnent aussi à voir ou à lire en situation. C’est d’autant plus évident pour les enseignes, étiquettes, et panneaux dont une grande part de leur action tient dans l’emplacement précis qu’ils occupent. Ce qu’ils énoncent, désignent ou représentent prend alors un sens tout particulier. Cette force des inscriptions fait aussi parfois leur vulnérabilité. Afin qu’opère la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, et proscrivant tout affichage en dehors des lieux réservés, il importe de la rappeler. Comment faire savoir qu’il est défendu d’afficher, non pas en général dans l’espace public, mais dans chaque situation particulière ? Placarder sur ce mur le rappel de la loi serait totalement orthogonal à ce qu’elle énonce. Ce serait faire exactement ce qu’elle interdit ! Le problème peut être contourné à l’aide d’autres technologies d’inscription. Pendant longtemps, cette interdiction figurait en effet en lettres peintes en noir sur certains batiments publics. Or chaque inscription vient avec son milieu : depuis l’introduction de la peinture aérosol et la prolifération des graffitis sur les façades, peindre l’interdiction est de moins en moins courant. Ce geste pourrait facilement se transformer en incitation à la débauche graphique. Ou, inversement, les moyens collosaux désormais mis en place pour lutter contre cette prolifération rappellent très régulièrement combien l’affichage et les inscriptions sauvages ne sont pas autorisés. Inutile donc de l’écrire sur les murs… Vestige d’une autre époque, cette plaque en bronze fait pourtant encore discrètement et efficacement son office : défendre ce bâtiment contre toute invasion scripturale.