Entre les lignes
Paris, décembre 2010.
La rue n’est pas uniquement un lieu d’exposition des formes d’écriture. C’est également un milieu particulièrement propice à leur formidable développement. Les inscriptions en tout genre s’affichent, elles pullulent en divers endroits, certaines se recouvrent les unes les autres, d’autres perdent parfois de leur grandeur, ou gagnent au contraire en signification, les plus tenaces finissent par vieillir et s’effacent même jusqu’à disparaître… Les inscriptions urbaines sont faites de matières vivaces promues à d’innombrables compositions, de nombreux arrangements, et d’insoupçonnables assemblages. Face une écriture achevée, c’est souvent difficile de s’en rendre compte : elle a tendance à s’imposer comme un tout cohérent. C’est au moment de sa fabrique (ou de son démontage) que les différentes couches qui la composent deviennent perceptibles. Les traces les plus furtives s’offrent alors au regard et elles ouvrent simultanément sur un vaste univers : on comprend que le tracé de quelques bandes blanches ne suffit pas. D’autres traces sont indispensables pour former un véritable passage piéton. Les petits traits servent de guide pour respecter la même longueur et les mêmes espacements. Ces repères sont également fixés dans d’autres écrits : dans les dispositions légales de la signalisation routière, dans la charte de conception, sur le plan de la voirie que transportent les ouvriers… La composition de la peinture est elle aussi définie dans une formule précise, destinée aux fabricants, afin d’assurer la même visibilité, la même adhérence, et la même durée de vie de chaque passage piéton. Voici donc une partie de la cascade d’inscriptions (sans parler des nombreux chiffres, calculs et coefficients qui les accompagnent) habituellement refermées dans quelques marques de peinture blanche.