Le mot

Brooklyn, juillet 2010.

Quand je quitte la maison pour aller au coin de la rue ou à l’autre bout du monde, je laisse toujours un mot. Un post-it ou une grande feuille, un mot c’est presque rien… Juste au cas peut-être où il m’arriverait quelque chose — histoire de ne pas partir sans dire au revoir ; ou bien est-ce parce qu’en écrivant le départ devient plus supportable ? « Je reste un peu avec vous puisque mon mot reste sur la table de la cuisine où bientôt vous mangerez ».

Le rideau de fer de ce magasin de photocopies dans ce quartier paisible de Brooklyn est semblable à ma table de cuisine. En fermant leur magasin après 25 ans d’activités, ces commerçants n’ont pas voulu partir sans laisser de traces… Ils ont pris soin d’écrire à leurs voisins et clients ; ils n’ont pas écrit ce mot parce qu’ils allaient revenir ou parce que bientôt ils ouvriraient une autre boutique deux rues plus loin ; ils ont écrit pour être encore un peu là avec ceux qui firent leur existence quotidienne pendant un quart de siècle. Besoin sans doute de dire : « nous avons passé notre vie à produire des copies mais notre reconnaissance est authentique ». Les destinataires ne s’y sont pas trompés, ils ont inscrit chacun à leur tour un mot ; oh ! presque rien, direz-vous, mais juste assez pour se dire que dans cette rue de Brooklyn il a du faire bon vivre. Just Love.