Mesure de la grève
En France, suivant les relations avec l’employeur, le droit de grève peut s’exercer soit par le signalement volontaire de grévistes, soit par le constat d’un huissier se rendant sur le lieu de travail, trombinoscope à la main, afin de discerner les grévistes des non-grévistes. L’une des finalités pratiques de la distinction étant de fournir aux services financiers des éléments pour réaliser les retenues sur salaire correspondantes et recalculer les cotisations. Toutefois, dans certaines professions, dont la recherche, où le télétravail est devenu tant évident qu’il ne se déclare de fait pas et où les salariés peuvent être absents pour des raisons qui ne sont pas quotidiennement connues de leur hiérarchie (travail de terrain, enseignements, séminaires, etc.), celle-ci doit compter sur les déclarations individuelles. Et, là comme ailleurs, co-habite une variété de pratiques scripturales.
Dans ce laboratoire où les relations avec la direction sont remarquablement tendues, ces chercheurs ont écrit la date et leur nom sur un petit morceau de papier, qu’ils ont scotché sur l’armoire de leur bureau et l’ont laissé en évidence le mois suivant la grève. Ils l’ont laissé suffisamment longtemps pour voir, d’une part, si le logiciel de gestion qui n’est plus capable de rémunérer leurs vacations ni d’intégrer les nouveaux salariés qui se voient à la place proposer des prêts à taux zéro, était en mesure de retirer les trentièmes et, d’autre part, si la direction se donnait la peine de prendre la mesure du mouvement social. La réponse sera inscrite dans le prochain bulletin de paie.