Oubli
Paris, octobre 2023
À la manière du téléphone portable, certains objets électroniques sont devenus des extensions professionnelles permanentes. Dans un train, les contrôleurs sont désormais munis d’un petit terminal connecté, permettant tout à la fois de recevoir et d’envoyer des informations, de connaître l’état réservé ou non de chaque siège, les noms de l’ensemble des passagers et leur positionnement dans le train. Pour des raisons ergonomiques, ce terminal est petit et léger. Et c’est là que les problèmes commencent.
Cette conception optimale oublie un élément essentiel : ses qualités se transforment en défauts dès que la personne auquel il est attribué l’égare. Se fondre à ce point comme extension du corps augmente à la propension à l’oubli. Alors pour y remédier, comme le porte-clef de l’hôtel décrit par Bruno Latour il faut l’alourdir, le rendre plus encombrant, le faire ressortir du fond dans le champ perceptuel.
Pour tout cela, rien de plus simple qu’une étiquette en tissu fluo, solidement attachée au terminal, sur laquelle les lettres capitales en blanc se détachent fortement. Et pourtant l’objet semble abandonné à l’entrée du wagon. Il n’en est rien : placé ainsi, il préserve le contrôleur de l’oubli d’une autre tâche : l’annonce du départ du train dans quelques minutes, par la console opportunément ouverte pour tenir le terminal.