Par erreur
Genève, avril 2010.
J’aime la Suisse et ses trottoirs nets et propres, ses sobres élégantes, ses montagnes carte postale, ses banques sans enseigne tapageuse ; tout y est discrètement à sa place. Dans les rues l’affichage est lui aussi soigneusement ordonné et je reste toujours stupéfait devant les grands panneaux intitulés « Lois et actes des autorités » que l’on croise ici ou là dans la cité genevoise. J’ai l’impression d’être dans la société punitive de la deuxième partie de Surveiller et punir où « Chaque élément de son rituel doit parler, dire le crime, rappeler la loi, montrer la nécessité de la punition, justifier sa mesure. Affiches, écriteaux, signes, symboles doivent être multipliés, pour que chacun puisse apprendre les significations. La publicité de la punition ne doit pas répandre un effet physique de terreur ; elle doit ouvrir un livre de lecture ».
J’aime la Suisse surtout quand au soir d’une longue journée de travail, j’entre dans ma chambre d’hôtel et je trouve posée sur la grande table qui me sert de bureau une belle enveloppe à l’en-tête du lieu et adressée à un certain M. H. ; j’aime la Suisse quand j’ouvre cette enveloppe qui ne m’est pas destinée et lit la lettre du directeur de l’établissement, Monsieur A. qui commence par cette belle formule en lettres capitales : « À QUI DE DROIT ». J’aime la Suisse et la longue liste de dates qui suit et détaille les séjours dans l’hôtel du Monsieur en question au cours des années 2009 et 2010, soit quinze séjours d’une à cinq nuits. J’aime la Suisse et ces quelques mots qui offrent à l’imagination bien plus que le contenu d’un panneau, l’amorce d’un roman.