Passe-droit
Paris, mai 2014
Nous savons bien que l’écologie urbaine ne contient pas que des points de repères et des panneaux fait pour nous guider. Ils guident surtout nos propensions, nous obligent et nous facilitent, nous détournent et nous conduisent à faire ou à ne pas faire, à aller ou venir, nous arrêter ou nous mouvoir. Mais qui est le « nous » ainsi désigné ? Parfois l’utilisateur est une personne lambda, c’est-à-dire capable de voir, d’entendre, de marcher ; souvent c’est un automobiliste compétent pour diriger son engin. Mais quid des autres, de ceux et celles qui ne correspondent pas à ce portrait ? Les laisse-t-on à l’abandon, les oblige-t-on à se conformer ou construit-on des écologies pour eux ?
Depuis deux ans, ils ont envahi Paris mais peu de monde semble les apercevoir. Ils sont là, petits et discrets, visibles uniquement pour ceux qui sont en face d’eux et pour lesquels ils ont été fabriqués : les cyclistes. Ils transforment le monde qui les entoure en affirmant : « ceci n’est pas un feu rouge, ceci est un cédez-le passage ». Depuis longtemps, les cyclistes les grillaient régulièrement, entraînant protestations et jalousies, accusations d’incivilité et sentiment d’impunité puisque presque tout le monde le fait. Désormais, ce qui était un usage illicite est devenu par la grâce de ce passe-droit une pratique légale.