Pierre
Marseille, juin 2020.
Au pied de l’immeuble, sous une série de balcons, se trouve un espace surélevé recouvert de pierres enchâssées dans du ciment. On ne sait pas si sa vocation était esthétique, indubitablement ratée, ou sécuritaire, tout autant en échec à la vue régulière de jeunes s’y asseyant pour discuter ou simplement attendre. En dépit de sa minéralité brute, les mousses avaient fini par occuper la surface, seuls habitants permanents colonisant les pores accueillants.
Au milieu de ce paysage blanc gris vert, en ce beau jour de printemps, l’oeil est soudain attiré par de petites tâches noires. En s’approchant, on distingue plus nettement des paires de chiffres alignées, un numéro tracé là, discrètement, au feutre noir. Mais pas de nom, de prénom, d’initiales, pas de pictogramme.
D’habitude, les graffitis sont des signatures même si leur lecture n’est souvent offerte qu’aux initiés. De même les inscriptions de l’amour sur les sols, les arbres, les cadenas, actes scripturaux pour en montrer l’éternité, passent par des signes codés mais partagés – cœurs, flèches, anneaux – autour de lettres. À l’heure de la médiation numérique de la rencontre, un numéro sur une pierre suffit-il pour marquer son territoire ?