ISSN : 2266-6060

Porte augmentée

Lancaster, avril 2009.

À l’université, comme dans d’autres organisations, la gestion des salles tient une place cruciale dans le déroulement quotidien des activités. Sans un plan d’occupation bien conçu et tenu à jour, difficile de fixer une réunion ou de faire un séminaire avec l’assurance d’avoir une salle à disposition. Pour cela, rien ne vaut un planning qui rassemble toutes les exigences. L’empilement de diverses traces (listes des salles, listes des séminaires, vœux des enseignants, nombre d’inscrits à un séminaire…) devient un moyen particulièrement efficace pour agir à distance en dominant l’ensemble des pièces du bâtiment d’un seul coup d’œil. Une telle vision panoptique est toutefois réservée aux quelques personnes en charge de ce casse-tête annuel.
Sur place, se joue un autre micro-drame quotidien de la vie universitaire, surtout lorsqu’on arrive juste à l’heure devant une porte fermée : le séminaire est-il déjà commencé ? Ou bien, les participants du précédent sont-ils encore à l’intérieur ? Que faire ? Entrer au risque de les déranger ? Attendre et être potentiellement encore plus en retard ?
Dans cette université, une partie du dilemme peut être résolue à l’aide de la porte elle-même : ne servant pas seulement à isoler la salle du couloir, elle est augmentée d’un dispositif graphique indiquant si le lieu est “libre” ou “en cours d’usage”. Ingénieux petit ajout qui permet de voir à travers la porte sans l’ouvrir et sans déranger l’éventuelle assemblée. Les occupants doivent néanmoins activer le dispositif au moment où ils entrent, puis lorsqu’ils sortent. Sinon l’inscription perd immédiatement sa capacité à faire agir. On peut aussi l’ignorer délibérément à l’insu des occupants de la salle : ouvrir ostensiblement la porte pour signifier que l’heure est dépassée et qu’il est temps de faire place au séminaire suivant (une pratique courante dans un haut lieu français des sciences sociales que les habitués sauront reconnaître). Disposé sur la face extérieure de la porte, le dispositif est également exposé à d’autres usages : selon les circonstances, farceurs ou revanchards pourront faire glisser le morceau de plastique de l’autre côté sans que les occupants s’en rendent compte. Si un dispositif d’inscription augmente les capacités d’action d’un objet, il amplifie d’autant les détournements possibles.



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