Poussière

Toulouse, septembre 2020.

Un tas de gravats passé à la moulinette. Voici ce qui reste d’un des bâtiments de cette grande école militaire dédiée aux constructions aéronautiques, inaugurée dans les années 1960. Avec ses compagnons ils offrent au regard un paysage de monticules de différentes tailles érigés les uns à côté des autres. L’ensemble architectural est donc encore sur place, mais sous un autre forme. Chaque tas de matériaux ne constitue toutefois pas uniquement le vestige d’un édifice passé. L’histoire de ces bâtiments est simultanément travaillée depuis ses origines par de nombreuses inscriptions. Des esquisses originales aux plans de constrution évidemment, en passant par les listes de matériaux, les tableaux comptables, les fiches de paie, les emplois du temps… Une fois construits, les bâtiments ont ensuite fierement arboré différentes sortes de panneaux indicateurs ayant organisés la topographie et sa circulation pendant des générations : noms des bâtiments affublés de lettres et de chiffres, numéros des salles et des bureaux, flèches précisant les sens de circulation des unités véhiculaires, sigles et logos des entreprises partenaires, consignes de sécurité relatives aux machines et aux produits toxiques… La liste est aussi longue que l’histoire du site et de ses réaménagements au gré des innovations techniques et réglementaires. Depuis que l’école a été desertée, en attente de l’issue de tractations immobilières, d’autres formes d’inscriptions ont pris possession du lieu. Malgré les pancartes rappelant l’interdiction de pénétrer sur le terrain militaire, chaque bâtiment s’est vu progressivement augmenté de nombreux tags, throw-ups, dessins, fresques. La sobriété du lieu a ainsi pris une tournure multicolore, jusqu’à ce que les entreprises de démolition investissent à leur tour le site. Pour autant, la mise en tas des bâtiments, associée aux exigences de recyclage de matériaux, n’est pas venue stopper net cet empilement des écrits. Chaque tas affiche fièrement son lot d’appartenance et la zone dont il dépend. Édifice majestueux ou amas de poussière, l’inscription accompagne inlassablement le cours des choses.