Répétition
Paris, novembre 2024.
La peinture en spray déborde de tous côtés. Elle révèle le dispositif d’écriture : un pochoir, temporairement fixé au mur par huit morceaux de ruban adhésif, et une bombe de couleur noire. La maladresse, la précipitation, la colère ou peut-être le souci d’être imitées révèlent un agencement facile à concevoir, peu onéreux et mobile. D’ailleurs, le pochoir a été répliqué sur d’autres murs du quartier ; jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que du gaz compressé et des billes dans l’aérosol, qu’une interpellation ne suspende cette prise d’écriture ou que l’odeur de la peinture et le froid ne précipitent la satisfaction des autrices.
« 1 femme sur 2 a été Agressée » ; la passante ne connait ni la source, ni la méthodologie de comptage ni ce que recouvre la qualification d’agression. Elle peut difficilement s’engager dans le débat, au feutre, avec l’énoncé manuscrit entre crochets, « 2 sur 2 officieusement ». En revanche, sa lecture du pochoir s’inscrit dans un continuum d’écrits exposés dans l’espace urbain : des dénonciations, des symboles, des femmages, des réattributions et surtout des collages contre les féminicides. Aussi, par la multiplication des prises d’écriture publiques et la répétition de ces lectures involontaires, elle mesure, à même les murs, les tentatives de transformation de l’ordre social.