ISSN : 2266-6060

Graffiti constitutionnel

Notre invité: Tomás S. Criado

Munich, mai 2020.

Il est rare que les débats constitutionnels se déroulent dans la rue. Malgré tout, il arrive que ces disputes bureaucratiques de haute volée — habituellement réservées aux espaces confinés des tribunaux — attirent l’attention des médias et suscitent un débat politique. Ces dernières semaines, après la mise en œuvre de mesures de santé publique draconiennes pour lutter contre l’expansion de la pandémie de SARS-CoV-2 en Allemagne, une controverse grandissante a émergé. Des Länder comme la Bavière ont publié des directives sur l’usage de l’espace public pour empêcher le virus de se propager : celles-ci recommandent non seulement que soit respectée une distance de sécurité d’1,5 mètre, mais comprennent également des interdictions touchant de nombreuses institutions et de grands magasins, dont la plupart ont fermé ou ont été réduits à un service minimum ; dans les rues et dans les parcs, seuls les groupes de 3 personnes sont autorisés, à l’exception des collectifs plus nombreux qui vivent sous le même toit. Lorsqu’on les compare, ces mesures sont beaucoup moins strictes que dans la plupart des pays voisins de l’UE. Cependant, différentes factions politiques en Allemagne considèrent qu’elles affectent les droits de manifestation et la liberté de réunion.
Au cours des dernières semaines, quelques manifestations ont été organisées dans le pays, avec un certain soutien de l’ensemble du spectre politique, contre ce que certains ont appelé un « Demoverbot » (une interdiction de manifester).
On s’interroge : qu’est-ce qui devrait passer en premier, les droits fondamentaux ou la santé ? Le débat, bien sûr, prend différentes connotations, à gauche ou à droite. Et différentes expressions y sont associées. Il y a quelques semaines, un homme a été photographié à Karlsruhe avec un exemplaire de la constitution fait maison attaché dans le dos. Le 1er mai, plusieurs « Spontis » (cortèges spontanés de protestation) sont descendus dans les rues des quartiers populaires de Berlin pour contester l’interdiction. En me promenant le long de la rivière Isar à Munich, j’ai découvert il y a quelques jours une autre modalité d’expression : un combat de graffitis peints sur une piste cyclable du Glockenbach, au niveau des espaces verts qui longent l’eau. Une confrontation de points de vue politiques en jaune et blanc. En blanc, quelqu’un avait peint une équation dans laquelle le « Corona » se substituait au « Demoverbot ». En jaune, quelqu’un s’est senti obligé d’en rectifier les termes : Le « Corona », selon cette personne, est un « virus », tandis que le « capitalisme » serait « le problème ».



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