Grandes surfaces
Plateau de Saclay, septembre 2012.
Depuis plusieurs décennies maintenant, les supermarchés sont devenus des lieux exemplaires d’expérimentations et d’enquêtes. Les marketers sont face à un magnifique terrain de jeu pour tester des produits et des emballages inédits, les designers proposent divers aménagements pour accueillir des techniques de vente renouvelées, les sociologues de la consommation s’émerveillent ou se désolent face à l’effervescence des pratiques qui s’y déploient, les spécialistes en cognition distribuée explorent différents modes de mémorisation et de calcul. Un tel engouement tient en partie au fait que les supermarchés sont des milieux extrêmement fournis en dispositifs matériels et graphiques : rayons, caddies, caisses, étiquettes de prix, codes barres, affiches promotionnelles… Si l’ensemble compose un agencement destiné à accompagner et à équiper les actes d’achat, certains éléments sont plus spécifiquement voués à rendre visible les modalités de rangement et de mise à disposition des différents types de produits. Des panneaux indicateurs désignent les allées et participent de la mise en scène de ces sites de rencontre, pour reprendre cette belle expression redéfinie par Michel Callon. C’est pour échapper à cet atmosphère graphique particulièrement dense que nous sommes partis, pour une fois, faire nos achats dans un tout autre milieu, plus “naturel”. L’objectif était de toucher et récolter directement les aliments, de sentir leurs odeurs, de montrer aux enfants comment ils poussent et murissent en terre ou sur pieds. Pour autant, la circulation dans des champs de fruits et légumes à perte de vue n’était pas uniquement guidée par nos découvertes de proche en proche. Pour éviter de faire des kilomètres inutiles, des panneaux affichaient la direction des cultures, et de grandes banderoles indiquaient leur site de récolte. Ici aussi, c’est au prix d’un système signalétique que l’ordonnancement et l’intelligibilité de cette autre forme de grande surface étaient rendus visibles. Comme si faire son/le marché ne pouvait se passer d’un commerce tenu avec des formes d’inscription.