Guillemets
Paris, octobre 2016.
Les choses que l’on peut faire avec l’écrit sont sacrément impressionnantes. Et elles montrent à quel point ceux qui ont analysé l’écriture comme rien de plus qu’un moyen de représentation de la parole se sont trompés. Les guillemets en sont un bon exemple. Ces petites marques peuvent littéralement démultiplier les énonciateurs, et transformer n’importe qui en ventriloque sans le moindre entraînement.
Mais les guillemets peuvent aussi êtres troublants. S’ils peuvent ouvrir des portes et des fenêtres dans les phrases, il est parfois difficile de savoir vers quoi ces ouvertures sont censées mener. Dans ce restaurant, par exemple, que conclure de la présence de guillemets autour de ce France qui suit les mots « origine viande » ? Il y a tellement de possibilités. Deux m’ont frappé tandis que j’attendais mon burger. L’usage de ces guillemets pourrait être un moyen d’assumer une définition élargie, voire floue, de ce qu’est la France. D’ajouter au mot France quelque chose comme « enfin presque », ou « au sens large », dont l’ambiguïté serait à notre charge. C’est une première option. Ces guillemets pourraient aussi mettre en avant la fragilité de la déclaration elle-même, montrant qu’il n’y a en réalité qu’une seule manière de répondre à la question d’où vient la viande que vous êtes sur le point de manger ? Et je dois dire que c’est exactement l’impression qu’ils m’ont faite : ils ont ajouté à ce que j’aurais pu considérer comme une information (le bœuf vient de France) l’arrière-goût d’une réponse appropriée. Trop appropriée peut-être ?