Information voyageurs
Entre Strasbourg et Paris, décembre 2012.
Le récit de la faillite ferroviaire est une figure narrative désormais bien stabilisée : des passagers laissés à eux-mêmes des heures durant, nul agent SNCF présent pour leur répondre, enfermés dans leur véhicule d’acier à moins qu’ils ne se décident à en sortir pour marcher sur les voies. L’enfermement, la chaleur ou le froid, le manque d’eau ou de nourriture, les toilettes bouchées sont autant de désagréments
conduisant régulièrement à des remboursements ou des demandes de réforme.
Dans un monde interconnecté où la vitesse de transport et la fiabilité des horaires sont autant de promesses technologiques difficiles à tenir, le retard ou, pire, l’incertitude sur ce retard, apparaissent comme autant de catastrophes de masse. Pour y faire face, la compagnie ferroviaire avait depuis longtemps mis à disposition un instrument de suivi du trafic “en temps réel”, mais ses usagers devaient être connectés. Profitant d’une nouvelle génération de rames TGV, la compagnie a adapté un dispositif très familier aux passagers d’un autre moyen de transport : l’écran d’information pour les passagers.
Affichant la progression le long du parcours, les arrêts passés et à venir, le numéro de wagon et du train et, en alternative, la vitesse et l’heure, ces écrans prennent également en charge l’imprévu en renseignant de manière continue sur le retard à venir et ses causes. À la place d’annonces du chef de bord crachotées par des hauts-parleurs, voilà une chaîne d’information en continu et son bandeau défilant silencieusement. Comme pour de nombreux passages à l’écrit, les personnes sourdes s’en féliciteront, les illettrés et les mal-voyants en pâtiront sans doute. Demeure une seule question : qui donc met à jour l’information et sur quels relais fragiles repose-t-elle pour parvenir jusqu’au voyageur ?