Jamais seuls
Paris, avril 2010.
C’est toujours la même chose avec les machines : elles ont mauvaise presse. Surtout chez les historiens et les sociologues. Comme si sciences humaines signifiait sciences de défense des humanoïdes. Comme si, surtout, il était possible de tracer une ligne nette entre les humains et les machines. D’un côté la vie, la vraie : les relations, les valeurs, le travail, la société. De l’autre une froideur mécanique qui menace et pervertit la nature humaine. On a entendu ce discours d’innombrables fois. Sa force critique reposant sur la rhétorique sans cesse répétée du remplacement. Les machines remplacent les humains. Elles volent le travail et se substituent à la relation humaine.
Il suffit pourtant d’observer cet automate de vente pour comprendre que les choses ne sont pas simples. Il n’est jamais possible d’arrêter si nettement la distinction. Dès que la machine cesse d’afficher ses messages (inhumains ?) destinés aux clients, elle est ouverte par un travailleur qui vient la réparer. Le même qui passe régulièrement en faire la maintenance. Qui s’ajoute à ceux qui la nettoient au moins une fois par jour. Et tous ceux-là ne sont pas seulement des humains. Ils viennent avec leurs instruments de mesure, leurs outils de diagnostic, leurs tournevis, leurs brosses.
Est-ce à dire que tout se vaut ? Que l’on ne doit pas lutter contre l’installation de machines et d’interfaces un peu partout ? Certainement pas. Il faut juste accepter qu’il est impossible de faire un tri a priori dans la marche commune des hommes et des machines. Et affiner un peu plus les fondations politiques et morales de la critique.