La Casserole
Normandie, mars 2012.
On n’écrit pas que des lettres d’amour. Le plus souvent, on prend sa plume pour protester ; protester pour une amende injustifiée, contre une facture trop élevée, contre un licenciement abusif, contre une manière de faire franchement déplacée, contre la bêtise. On écrit aussi pour juste dire qu’on n’est pas content. On fait des efforts pour rester poli car parfois on aimerait bien se lâcher sur le papier : comme sur ces affiches proposées par un artiste suisse et sur lequel sont inscrits sur un fond monochrome une série d’insultes en lettres capitales. Il y a d’autres manières d’être désagréable et de façon moins frontale mais tout aussi efficace. Il y a ceux qui optent pour l’écrit anonyme qui ne le reste pas longtemps, car rien de plus jouissif que de signer une lettre anonyme. Il y a ceux qui manifestent leur colère par leur graphie : le tracée des lettres devient de plus en plus troublé à mesure que ça monte… Staline aimait à transpercer de sa colère la feuille de papier sur laquelle il écrivait à ses malheureux correspondants. Ceux-ci pouvaient évaluer l’animosité du Petit Père des peuples à l’acharnement de sa plume.
Dans l’espace public, il arrive aussi qu’à travers des écrits exposés, on ne dise pas que des gentillesses. Sur les banderoles des manifestations, c’est souvent le cas. Le slogan peut être violent. Mais il est une catégorie d’écriteaux qui m’a toujours mis mal à l’aise quand l’écrit prend une taille démesurée comme ici dans ce petit village de la Manche. En affichant « changement de propriétaire » de façon aussi visible, d’une manière si outrancière, on signale un événement : « avant la cuisine servie était mauvaise, venez, désormais ce sera meilleur ! » On s’adresse indirectement aux anciens propriétaires pour leur dire qu’ils n’étaient pas de bons commerçants.