La liasse
Marseille, mai 2010.
Quand le magasinier des archives me transmet la boîte, mes mains tremblent ; j’ai débarqué du train et ayant une heure à perdre avant mon rendez-vous, je me suis dis que je pouvais bien m’offrir une courte séance en salle de lecture ; ce serait fugace, je ferais peut-être choux blanc mais qu’importe, j’avais consulté en ligne la base de données des archives départementales et repéré quelques attractives notices ; j’étais là, c’était trop bête de ne pas jeter un œil. Sur l’inventaire du fonds de l’hospice des insensés, j’ai trouvé une boîte de papier divers contenant notamment ceux d’une certaine Claire Buffardin, enfermée à l’hospice pour cause de démence (1708-1790).
Je me précipite à ma place dans cette salle moderne et confortable ; j’ouvre le carton et me voilà face à un drôle d’objet : soudain, moi qui était si pressé, je suis paralysé… il y a dedans deux curieux paquets qui ressemblent moins à un dossier qu’à une sculpture de Christo. Je défais le nœux de grosse ficelle qui entoure ce paquet en papier kraft ; soudain, dans mes mains, s’ouvre une liasse de vieux papiers et de parchemins ; c’est une grosse liasse ; je déchiffre quelques-unes des missives ; il y a là des courriers privés, des lettres diverses, des centaines d’éclats de vie. Mes mains me brûlent : couvaient sous ce papier gris, des écritures braises.