La vue
Saint Jean de Terre Neuve, septembre 2016.
Le lieu était calme en cette heure matinale, plus calme encore que le reste de la ville. On n’entendait que les oiseaux et le vent fort dans les arbres. Ici et là, des bancs semblaient attendre des visiteurs, faisant face au lac, comme des animaux songeurs. Si on s’approchait de l’un d’eux, on découvrait une petite plaque avec des noms et des mots gentils. Et on comprenait que chaque banc était un mémorial qui offrait aux grands-parents, aux pères, aux mères, aux époux, aux amis, aux voisins disparus une belle vue, une chance de rencontrer chaque jour de nouvelles personnes, et d’embrasser encore de temps à autre leurs proches. En se promenant sur les chemins, on avait l’impression de participer à un rassemblement apaisé de fantômes. Parfois, on tombait sur un banc à l’emplacement vide, attendant sa plaque. Le fantôme d’un fantôme, plus silencieux encore. Et on ne pouvait pas s’empêcher de penser à la chance qu’avaient les habitants de cette ville.