L’absence
Los Angeles, novembre 2015.
“Nobody walks in LA”, tout le monde sait ça. Avant d’y aller, je pensais que c’était une affaire de distance. Qu’en fait personne ne voulait marcher quinze kilomètres pour aller travailler. Personne n’envisageait sérieusement une balade de deux heures pour trouver des disques d’occasion, de bons tacos ou une chouette friperie. C’est partiellement vrai. En fait, il y a autre chose. Dans certains endroits de Los Angeles, même si vous aimeriez marcher — disons pour garder la forme, ou sauver la planète, ou faire le flaneur — vous ne pourriez tout simplement pas. Ce serait bien trop risqué, puisque vous ne trouveriez aucun espace dédié aux humains qui se tiennent debout. Aucun moyen juridico-matériel d’isoler les piétons du flux des véhicules motorisés.
Vous pourriez être tentés, du coup, d’en vouloir à cette ville qui s’est vendue corps et âme aux lobbies automobiles et a oublié l’existence même des marcheurs. Mais ne serait-ce pas un peu injuste ? Ce panneau montre clairement que Los Angeles prend soin des piétons. Informer de l’absence d’infrastructure, ça n’est certes pas fournir l’infrastructure en question, mais tout de même, c’est une marque de considération, non ? À moins que ce soit un moyen de confirmer qu’il n’y aura jamais ici d’infrastructure pour les piétons ?