Le corps – épisode 2 : le cou
Rome, mai 2011.
Visiter Rome, c’est d’abord transformer son corps en musclant son cou pour que lever la tête et observer les écrits exposés ne provoque plus en vous un terrible mal aux cervicales chaque soir en vous couchant. On passe à côté de la Rome antique mais aussi de la Rome moderne et contemporaine si on ne consacre pas un peu de temps à regarder des écritures placées en hauteur : tantôt une plaque à la mémoire d’Ingres ou de Goethe, tantôt une inscription signalant qu’un Pape a consacré tel Palais, ou que des partisans romains furent ici tués par des fascistes. Chaque rue, chaque église est un gisement d’écrits. Rome est ainsi extraordinairement inscrite comme cet arc de triomphe qui est un monument dédié autant à un empereur qu’à l’écrit comme élément central du paysage urbain romain. Mais même après avoir consulté de très utiles traités d’épigraphie latine, il est impossible en quelques minutes de lire la plus grande majorité de ces inscriptions ; qu’est-ce que nous faisons alors lorsque nous posons les yeux sur une de ces inscriptions ? Nous regardons de l’écrit, nous ne le lisons pas, nous ne le mémorisons pas, nous le saisissons mentalement en l’associant à d’autres vus précédemment, nous constituons une collection qui assez vite nous permettra de caractériser l’ambiance graphique de la ville. À Rome comme dans chaque cité, notre corps devient le réceptacle de ces impressions sensibles. Une bonne raison pour en prendre soin.