Le monde invisible
Paris, avril 2009.
L’écrit n’est pas seulement utilisé pour marquer des choses, les rassembler ou les séparer. Il est aussi parfois mis en place pour donner à voir des entités qui sont invisibles. Pour cela, c’est généralement un jeu d’alignement qui est installé : on fait référence avec un sigle où quelques mots à un lieu que l’on souhaite atteindre, ou l’on pointe vers des objets cachés auxquels il est demandé de faire attention.
Mais il existe de nombreuses formes d’invisibilité. À l’éloignement ou l’enfouissement, il faut ajouter des régimes qui ne posent pas des questions de frontières spatiales, mais perceptives. Il y a des choses que nous ne voyons pas, même si elles sont sous nos yeux. Pour les faire apparaître, il faut trouver le moyen de les révéler. On ne dit plus dans ce cas montrer, mais donner à voir. Les ondes, qui sont devenues des entités ô combien importantes dans notre monde, sont dans ce cas. Il y a quelques mois, dans un chapiteau, où l’on pouvait croiser des sociologues par centaines, on avait indiqué à un bout, l’existence d’un dispositif de connexion à Internet sans fil, par un carton oranger. Un de ceux sur lequel on a plutôt l’habitude de voir affiché un prix en promotion. Il y avait donc par-là « du » wifi (ou « de la » wifi, selon vos penchants dans le merveilleux monde politiquement correct des gender studies). Mais jusqu’où devait-on aller pour le capter ? Pouvait-on s’éloigner un peu ? Sortir de la tente ? Pour le savoir, il fallait regarder un autre écrit : celui qui s’affiche sur l’ordinateur portable ou sur le téléphone et qui précise que les ondes sont toujours détectées par les antennes chargées de les utiliser.