Le parc, épisode 2. Délicieux enfants
New York, août 2010.
À l’entrée de l’aire de jeu, un grand panneau vert rappelle les règles à respecter dans cet espace de détente pour les familles ; il est interdit d’entrer non accompagné d’enfant ; sont prohibés les chiens, le tabac, les boissons et la nourriture ; interdits aussi les radio et autres ghetto-blasters… Défendu aussi, mais cette règle-là n’est pas écrite, de photographier les enfants jouant. Un gardien viendra vous l’indiquer.
On baisse donc les yeux et l’on promène son regard sur le sol recouvert d’une surface moelleuse choisie pour amortir la chute de nos chers bambins… Il y a les inévitables prénoms, les marelles et autres soleils tracés avec des craies multicolores. Et soudain, le regard s’arrête sur les lettres en capitale d’un prénom tracés à la craie blanche : FELIX. On se dit qu’il n’y a plus d’enfants qui connaissent aujourd’hui Felix le chat, le dessin animé. Felix doit être un petit garçon du quartier.
Mimant les adultes, les copains de Felix ont tracé à la craie blanche sa silhouette comme les policiers de la brigade criminelle l’ont fait autour du cadavre de l’homme abattu le jour précédent à la porte du parc. Felix le mort sans doute s’est laissé faire ; ils ont bien rigolé. Ils se sont fait mourir l’un après l’autre, transformant l’aire de jeu en un cimetière. L’écriture a ce pouvoir de faire vivre et mourir. Et ça n’est pas interdit par le grand panneau vert.