Lectures
Paris, juin 2010.
On nous dit régulièrement que l’écriture est chargée de notre intimité, qu’elle est marquée par notre personnalité, qu’elle est l’ultime trace de nos agissements. Ce véhicule particulier ne se donne cependant pas à voir naturellement. La lecture ne se réduit pas à une définition commune d’une recherche de la signification. Différents experts sont requis afin de lire dans nos inscriptions : des critiques littéraires jugent la qualité des assemblages de mots susceptibles de produire une prose singulière, des graphologues décèlent notre caractère psychologique dans la forme même des lettres, des juristes retracent nos actes à travers des couches textuelles particulièrement ésotériques.
Ces différentes lectures sont concentrées sur les traits singuliers d’une personne. Mais, aussi érudites soient-elles, sont-elles suffisamment équipées pour entrer dans la matière intime d’une inscription elle-même ? Que peuvent-elles dire de la trace laissée par une feuille de papier accrochée à un panneau d’affichage et longtemps exposée au soleil ? Sont-elles en mesure d’en proposer des interprétations pertinentes sans nécessairement les rattacher à une personnalité ? Quelles pistes peuvent-elles se frayer dans cette décoloration du bois, suffisamment nette pour afficher un texte et suffisamment flou pour ne rien lire ? Face à cette empreinte, le scriptopolien n’est pas mieux équipé, mais son attirance pour les non-humains l’invite à ouvrir ce vaste chantier.