Lectures
Paris, janvier 2015.
Ces jours ont apporté un grand nombre de journaux à la maison. Des journaux papier, en plus des journaux numériques. Comme tout le monde, j’imagine, nous essayions de construire des archives, des souvenirs en temps réel de ce qui était en train de se passer. La télévision était presque toujours éteinte, mais pendant deux semaines, on pouvait trouver les pages du « Monde » ou de « Libération » grand ouvertes sur le canapé en attendant que la lecture reprenne. La fille était assez grande pour prendre part à l’expérience. Elle a essayé de lire un article ou deux dont nous avons discutés ensuite, le soir. Le petit gars n’attrapait qu’un titre ici ou là, posant seulement une poignée de questions. Pourtant, après quelques jours, il est allé plonger dans ses propres archives et a déplacé des tonnes de vieux journaux des étagères de sa chambre jusqu’au salon. Il les a tous lus consciencieusement, et nous avons fini par relancer l’abonnement qu’il avait demandé d’arrêter des mois plus tôt. En observant son appétit pour la lecture, nous avons compris que ni ses journaux ni les nôtres n’étaient seulement affaire d’archives. Ils constituaient aussi un environnement réconfortant, quelque chose sur lequel on pouvait compter pour nous protéger de l’absurdité la plus totale. Quelque chose qui pouvait apaiser nos larmes.