Les aménagements du droit
Le code de la route édite une règle générale sur le grand partage de l’espace public : la route appartient aux véhicules, les trottoirs aux piétons. Et les agents verbalisateurs ont pour mission de sanctionner l’infraction du grand partage par les usagers. Dans un certain nombre de communes, la question des places de stationnement vient troubler le jeu et poser une question certes prosaïque mais qui pourrait bien arriver sur le bureau d’une des chambres de la section du contentieux du Conseil d’État : les deux-roues peuvent-ils se garer sur les trottoirs ? Si oui, dans quelles conditions ?
À moins qu’il ne s’agisse d’un publiciste aguerri (de type conseiller d’État), ce motocycliste a probablement déjà été sanctionné. Il a donc inventé un astucieux rappel des aménagements locaux du droit à l’attention des agents verbalisateurs. Deux planches de bois fixées sur le porte-bagages, du ruban adhésif, une pochette plastifiée et une note signée par le Préfet de Police au printemps 2008, viennent donner une consistance singulière à la « tolérance à l’égard du stationnement des véhicules à deux routes sur certains trottoirs ». Comme quoi, la force du droit ne dépend pas que de la hiérarchie des normes (le code de la route > la note du Préfet de Police). Oui, mais jusqu’à quand ? Car à partir du le 1er janvier 2018, à Paris, la gestion du stationnement est confiée à des sociétés privées. L’idée de cette réforme est de lutter contre les incivilités (ici le non-acquittement des tickets de stationnement) ; les entreprises privées gérées par objectifs et pénalités étant présumées plus efficaces que les pervenches pour aligner les véhicules indisciplinés. Comment la gestion déléguée et quantifiée jouera-t-elle avec l’aménagement juridique rappelé par le motocycliste ? J’aimerais bien assister au passage des employés de ces sociétés devant le dispositif de tolérance pour voir ce qui résiste dans ce nouveau régime de gestion de la voie publique par les nombres.