Les coups
Clamart, mars 2019.
Depuis que la prescription trônait sur la table de la cuisine, l’appréhension n’avait fait qu’augmenter. Mais la douleur était devenue si forte qu’il n’avait plus été possible d’ignorer sa présence. J’ai composé le numéro de téléphone qui figurait sur le post it qui l’accompagnait, et deux jours plus tard, avant que la journée de travail démarre, je me suis assis dans l’une de deux petites pièces que comptait le cabinet.
— On vous a expliqué la méthode ?
— Oui vaguement, pas vraiment.
— C’est très simple, c’est comme un petit marteau piqueur qui va frapper le tendon exactement là où vous avez mal. À force d’être sollicité, il va déclencher sa cicatrisation.
— Hm hmm.
— Et donc, pour chacune des dix séances, je vais vous torturer pendant…
Elle a tourné l’appareil pour que je puisse voir les chiffres sur l’écran. Vingt minutes ? Je ne tiendrai jamais. J’imagine qu’elle m’a vu blêmir.
— … deux mille coups.
Deux mille coups. Fallait-il se réjouir, ou pleurer ? Elle a mis la machine en marche, et l’a placée à l’endroit le plus sensible. Je me suis concentré sur le nombre en bleu, qui descendait plus vite que je ne l’avais craint. Ma vision a fini pourtant par se troubler.
— C’est à la buée sur les lunettes que je vérifie que je tape bien là où il faut.
Elle a ri, puis m’a questionné sur mon métier, ma famille. J’ai détourné mon regard de l’écran, et tout est passé bien plus vite.