L’œil, le stylo et le panoptique
A71, mars 2010.
C’est comme une balance, quelque chose d’inévitable : toute liberté dans un monde gouverné en marché repose sur une forme de contrôle ou de surveillance, morale ou non, critiquée ou non. L’idée même de libre service en est un exemple parfait. Imagine-t-on simplement la possibilité de laisser les clients se servir eux-mêmes, dans les quantités et les formes qu’ils souhaitent, sans installer des dispositifs qui assurent aux commerçants qu’ils ne vont pas aller jusqu’au bout du principe et partir sans payer ?
Les innovations technologiques en la matière sont innombrables. Aux barrières et aux grilles sont venus s’ajouter les miroirs panoramiques, les portiques détecteurs et bien sûr, les caméras, dispositifs emblématiques dans le domaine. Mais, au détour d’une aire d’autoroute, on se rend compte que la délégation de la surveillance n’est pas toujours complètement laissée à des machines, si performantes soient-elles. Que fait cette jeune femme qui, pendant qu’elle encaisse votre propre facture, ne cesse de se tourner vers la baie vitrée pour regarder en direction des voitures qui s’arrêtent aux pompes à essence ? Elle inscrit à la main sur un petit carnet le numéro des plaques d’immatriculation de chaque véhicule et le raye une fois que son conducteur est venu régler son dû, doublant ainsi le travail des caméras de surveillance. Encore cette histoire, chère à Pierre Naville, de marche commune des hommes et des machines…