L’ordre des choses
Paris, novembre 2010.
Au cours d’une même journée, il nous arrive très fréquemment de nous déplacer d’un lieu à un autre, de traverser des espaces aménagés de manières très différentes, de côtoyer une multitude d’entités. Pourtant, on n’accorde généralement peu d’importance aux divers éléments matériels qui peuplent les sites que l’on parcourt ou que l’on occupe pour un temps donné. C’est seulement lorsqu’ils font défaut au moment où nous en avons besoin que leur présence indispensable à nos activités se fait brusquement sentir. Combien de fois avons-nous pesté contre la défaillance d’un dispositif technique à l’instant précis où nous en avions besoin ? Combien de fois avons-nous regretté l’absence inopportune des petits éléments (trombones, agrafes, chaises supplémentaires) qui peuplent habituellement nos espaces de travail ?
La gêne occasionnée par de telles défaillances est parfois palliée par une délégation du bon ordonnancement des lieux à des éléments graphiques. Les salles de réunion sont un site de prédilection pour ce type de rappel à l’ordre : nous sommes souvent invités à quitter les lieux seulement après avoir pris soin de les remettre en état. Le doute potentiel réside dans l’écart entre l’état dans lequel nous avons trouvé la salle en entrant et l’état jugé initial à son utilisation. Une façon de lever ce doute consiste, comme ici, à accompagner l’écrit d’une photo qui montre la disposition précise des tables et des chaises. L’aide est indéniable, mais elle reporte d’autant le doute sur l’origine d’une telle nécessité de remettre chaque chose à sa place. On peut bien sur l’attribuer aux penchants maniaques de celui ou celle qui administre les lieux. On peut aussi considérer que la disposition des objets ne se réduit jamais à des questions d’ordre matériel : respecter l’agencement des choses, c’est en garantir l’utilisation convenable par les suivants, c’est faire preuve d’une forme de considération morale.