Métadonnées

Labarthe-sur-Lèze, août 2020.

Il paraît que nous vivons dans un monde de données. Nous assisterions même à un déluge à l’ampleur inédite, nous expliquent certains. Nous passons notre temps à en consommer et surtout à en produire. Chaque geste, chaque pas que nous faisons dans les espaces numériques que nous traversons se trouvent à l’origine d’une multitude de traces qui viennent s’ajouter et se connecter aux précédentes. À vrai dire, nous vivons aussi dans un monde de métadonnées. Géolocalisation, horodatage, commentaires… combien de données viennent se greffer à chaque nouvelle donnée ? Il suffit de manipuler un appareil photo numérique pour s’en rendre compte. Les fichiers que produit une pression sur le déclencheur sont truffés d’informations d’accompagnement. Le lieu, l’heure, la date, mais aussi l’exposition, l’ouverture, la vitesse, la balance des blancs. Quel incroyable progrès que de pouvoir des mois plus tard se rappeler précisément les conditions d’une prise de vue à propos de laquelle notre mémoire bien limitée ne sait plus grand chose.
Comme pour beaucoup d’autres aspects de leur vie quotidienne, les adultes vieillissants ne peuvent s’empêcher de se poser une question existentielle : mais comment faisions-nous avant ? Quelle vie menions-nous dans un monde analogique qui n’était pas recouvert d’une épaisse couche informationnelle ? Un passage au rayon des appareils photos d’Emmaüs permet de se faire une petite idée. Dans la plupart des cas, nous ne faisions rien. Nous découvrions le lot de photographies passées au guichet du laboratoire, et recomposions le contexte de la prise de vue à partir des seuls indices présents à l’image. Les métadonnées existaient pourtant. Il suffisait d’un cahier, encore mieux, d’un morceau de papier collant et d’un crayon, et le tour était joué. Voyez comme on savait même être précis pour s’y retrouver. Il y a quelque chose d’émouvant à découvrir ce genre de traces qui témoignent d’une sensibilité, d’une poésie presque, qu’on aura sans doute du mal à trouver dans les données EXIF d’un fichier JPEG ou TIFF.